Je suis seule sur le quai de la gare. Seule au milieu de tous ces inconnus qui se sentent sûrement aussi seuls que moi. Une brise souffle, je la sens caresser mes reins et le creux de mon cou. Le soleil brille et annihile toute volonté. Perdue dans mes pensées, je ne vois pas les autres. Je sais qu'ils sont là, ancrés sur le béton de ce quai, mais je ne les vois pas. Je savoure l'instant présent et la solitude.
Des pas légers. Un pas plus sûr de lui. Ils arrivent en retard dans mon cerveau, comme l'écho d'un monde que j'ai commencé à quitter. Lorsqu'on rêve, on meurt un peu, puisqu'on est partout et nulle part à la fois. On sort de son corps pour atteindre des altitudes inespérées. C'est dangereux de trop rêver, on finit par oublier qu'on vit, et on meurt un peu plus.
Les pas se rapprochent, accompagnés de voix.
" Laisse-moi tranquille !"
C'est une voix d'enfant qui a parlé. Flûtée, légère et en colère. Comme un éclat de cristal qui déchire l'atmosphère morne d'un quai de gare.
" Pourquoi tu fais la tête, ma puce ? "
Oh, la voix tant aimée du père. Je la reconnaîtrais entre toutes. Il y a les pères, des hommes différents avec une famille bien à eux. Et il y a le Père présent en chacun de ces hommes. Celui qui les relie tous. Cette voix qui me consolait lorsque j'étais petite. Si forte, si sûre d'elle, tellement sûre que je ne pouvais que lui faire confiance. Elle est juste derrière moi, cette voix. Malgré moi, ou peut-être un peu volontairement, j'écoute la suite.
" Je ne veux plus te parler! "
" Bien, mais souviens-toi d'une chose. Quand tu es triste ou en colère, mets-toi au soleil et attend. Le soleil réchauffe les coeurs. "
La voilà la leçon du Père. En trois phrases il a enseigné la vie à sa fille. Et à moi, par la même occasion.
Les voix s'effacent. Je vois leur silhouette noire face au soleil qui m'éblouit. Lui, si grand, tient la petite dans sa main. Comme un trésor.
Et même si je trouve que la phrase du papa fait un peu "phrase toute faite" (j'ai d'énormes problèmes avec les phrases toutes faites), je pense quand même à mon papa et ça me fait sourire, peut-être d'un sourire moins intègre que d'habitude, parce qu'il y laissera une pointe de morosité au coin des commissures.
Je te remercie d'avoir déjà pris le temps de lire mon blog, ce qui peut ne pas être facile, parce que je suis, je cite un de mes articles : compliquée-décousue.
Et je te remercie également pour tous ces commentaires. Une opulence de compliments de cette sorte, ce n'est pas tous les jours !