Je ne compte plus les jours depuis le début du confinement. Cette période est pour moi un tel moment de bonheur, et le bonheur ne se mesure pas. Il emplit chacune de mes bronches et apaise les voix qui hurlaient contre la maudite routine du métro, boulot, dodo.
Je fais partie des chanceux. Aucun de mes proches n'est pour l'instant touché. Je savoure donc ce moment délicieux où l'on me demande de rester chez moi, et où je n'ai qu'à m'assurer que ma mère ne commettra pas d'imprudence en décidant d'aller prendre l'air.
En attendant, je passe le temps avec mon mari.
Nos emplois du temps étaient tellement chargés jusqu'ici : travail le soir pour lui, travail le jour pour moi. Sorties entre amis, famille le week-end. Nous avions si peu de temps pour nous. Je crois que tous les couples vivant ensemble ont un jour cette révélation : dès lors qu'ils partagent le même logement, le temps qui leur appartient réellement se réduit à peau de chagrin.
Aujourd'hui, pour la première fois depuis longtemps, nos journées et nos nuits nous sont totalement consacrées. Et quel plaisir de se redécouvrir !
En ce moment-même, il travaille face à moi. J'adore son regard lorsqu'il est concentré: ses yeux noirs, ses cils de velours, et ses sourcils froncés, sérieux, qui assombrissent encore un peu l'ébène de ses iris. J'ai souvent du mal à sonder ses pensées, et j'aime cela. J'aime me dire qu'il a encore tant de choses à m'apprendre sur lui et sur les mouvements de son âme. Je sais que comme moi, il est fait de douleur et d'espoir. Je sais aussi que contrairement à moi, il se laisse moins porter par les rêves que par ses projets.
Une-Rose-sur-la-Lune
Pensées & réflexions en bataille.
Liens
Aucun lien.Dimanche 12 avril 2020 à 18:05
Jeudi 7 mars 2019 à 11:31
J'ignore pourquoi, mais depuis que je suis jeune, une superstition m'interdit de penser à l'avenir. Est-ce dû à la maladie, à tous ceux que j'ai vus partir trop tôt ? Quelque chose, en moi, s'opposait à tout rêve parce que le futur était trop incertain et le présent trop risqué. Il m'arrivait, biensûr, de penser aux joies à venir, mais aussitôt un nuage menaçant venait se glisser entre le soleil et moi: de faiblesse, je rentrais me mettre à l'abri avant même de sentir la pluie.
Je ne dis pas que j'ai été malheureuse, non. J'ai saisi chaque fruit de l'arbre de la Vie; j'ai aimé si fort, j'ai savouré le bruit de la mer faisant rouler les galets, et le silence profond des flocons qui obscurcissent une fenêtre dans la nuit. J'ai ri plus fort que la mort, j'ai pleuré pour aller mieux, et j'ai remercié pour toutes les rencontres que j'ai pu faire, comme des planches de salut au milieu d'une mer déchaînée. J'ai embrassé des paysages grandioses, des couchers de soleil saturés de couleurs et des ciels de nuit qui faisaient scintiller les étoiles.
Je ne dis pas que j'ai été malheureuse, non. J'ai saisi chaque fruit de l'arbre de la Vie; j'ai aimé si fort, j'ai savouré le bruit de la mer faisant rouler les galets, et le silence profond des flocons qui obscurcissent une fenêtre dans la nuit. J'ai ri plus fort que la mort, j'ai pleuré pour aller mieux, et j'ai remercié pour toutes les rencontres que j'ai pu faire, comme des planches de salut au milieu d'une mer déchaînée. J'ai embrassé des paysages grandioses, des couchers de soleil saturés de couleurs et des ciels de nuit qui faisaient scintiller les étoiles.
Mais chacun de ces instants était un présent du jour-même.
Et puis je t'ai rencontré. Tu étais un de ces dons de la vie qu'on ne voit pas arriver, et qui bouleverse tout sur son passage. Aux pieds de la Petite Sirène, tu m'as surprise en te mettant à genoux, et tu m'as posé la seule question qui devait, à jamais, ouvrir une porte sur l'avenir.
Ce jour-là, grâce à toi, j'ai renoncé à la peur et j'ai compris que, même sous la pluie, il était possible de danser.
Lundi 14 janvier 2019 à 13:12
Quel miracle relie les êtres d'une même famille par cette corde qui jamais ne se brise ?
Il m'est arrivé de vouloir lâcher du lest; laisser flotter dans le lointain ceux-là qui sont en moi et hors de moi, qui vivent leur propre vie sans avoir conscience des échos qu'elle sème dans la mienne.
La colère nous séparait, aussitôt la fraternité nous réunissait. Parfois, le pardon n'était pas encore là que déjà mon cerveau étouffait loin d'eux.
J'ai essayé de les considérer comme de simples amis; j'ai tenté de ressembler à ces familles qui s'aiment de loin. Je voulais me protéger de la souffrance, de cet amour violent qui nous dévore autant qu'il nous réchauffe. Chaque fois ils sont revenus, et je les ai aimés encore plus fort.
Ce lien qui nous unit - j'ai fini par le comprendre - ne s'éteindra jamais. A trois, nous ne formons qu'un. Chacun va dans sa direction, à l'image des frères d'un conte de fée où les retrouvailles sont la fin de l'histoire - et le début d'une autre.
Je crois que nous devons ce sens de la fraternité à nos parents. Je me souviens d'une fois où ma mère m'a exprimé sa crainte en quelques mots: "Je préfère vous voir soudés face à nous, vos parents, qu'éclatés entre vous." A l'époque, je n'avais pas saisi la portée de ces mots. Mais la vie, comme bien souvent, s'est chargée de m'en montrer l'impact : la maladie, la mort, les peines, la haine - tout cela nous a frappés. Le lien ne s'est jamais brisé. Et aujourd'hui, bien que mon existence n'en soit qu'à ses balbutiements, je marche avec un talisman invisible et puissant : la certitude qu'ils seront toujours là pour moi, et que jamais je ne les laisserai seuls.
Alors, cher Papa, chère Maman, merci pour ce cadeau.
Dimanche 31 décembre 2017 à 0:05
Voilà un peu plus d'un an, j'arrivais à Paris. Des espoirs plein la têtes, un tourbillon de changement. Le déménagement en fin de journée, en catastrophe, comme nous avons toujours su le faire.
Tout me semble si loin maintenant. Villemomble, les échos d'une famille où nous étions cinq, cette grande maison pleine de joies et de drames. Ai-je vraiment vécu tout cela ? Un nombre inimaginable de souvenirs se bouscule dans ma tête, tant et si bien qu'ils se mélangent et forment le fil d'un collier dont je ne parviens plus à saisir les détails si précieux.
Voilà un peu plus de six mois, je quittais le dix-neuvième arrondissement pour le onzième. Peu de meubles, peu d'affaires, mais tant d'amour. Tu as déboulé dans ma vie, la rendant encore plus étonnante qu'elle ne l'avait été jusque là. Ensemble, nous avons sauté le pas et transformé cette ancienne chambre d'hôtel en un foyer étroit mais heureux.
Demain, une fois de plus, je partirai. Le dix-huitième m'ouvre ses portes, et tu viendras avec moi parce que nous nous le sommes promis. Je songe avec bonheur à tout ce que nous allons vivre dans cet appartement qui a enfin l'air d'un appartement, dans cet immeuble où nos deux noms figureront sur une boîte aux lettres.
Malgré cette joie, une certaine mélancolie me prend. Je pense à ceux que j'aurais voulu inviter dans notre nouveau chez-nous et qui n'y seront pas. Je remonte le fil des douleurs, qui m'ont privé d'un père puis d'un ami, je retrouve avec nostalgie ce temps où les blessures n'étaient pas si graves, puisqu'elles n'avaient tué personne. J'entends la pureté de nos éclats de rires qui ne sont pas encore entachés par le deuil.
Peut-être est-ce cela, grandir: accepter qu'à partir d'un moment, nous ne pourrons plus partager d'instants avec ceux que l'on aime. Vivre avec des blessures qui menacent de s'ouvrir à chaque moment. Exister avec, dans un coin de sa tête, le souvenir de ceux qui sont partis avant nous.
Tout me semble si loin maintenant. Villemomble, les échos d'une famille où nous étions cinq, cette grande maison pleine de joies et de drames. Ai-je vraiment vécu tout cela ? Un nombre inimaginable de souvenirs se bouscule dans ma tête, tant et si bien qu'ils se mélangent et forment le fil d'un collier dont je ne parviens plus à saisir les détails si précieux.
Voilà un peu plus de six mois, je quittais le dix-neuvième arrondissement pour le onzième. Peu de meubles, peu d'affaires, mais tant d'amour. Tu as déboulé dans ma vie, la rendant encore plus étonnante qu'elle ne l'avait été jusque là. Ensemble, nous avons sauté le pas et transformé cette ancienne chambre d'hôtel en un foyer étroit mais heureux.
Demain, une fois de plus, je partirai. Le dix-huitième m'ouvre ses portes, et tu viendras avec moi parce que nous nous le sommes promis. Je songe avec bonheur à tout ce que nous allons vivre dans cet appartement qui a enfin l'air d'un appartement, dans cet immeuble où nos deux noms figureront sur une boîte aux lettres.
Malgré cette joie, une certaine mélancolie me prend. Je pense à ceux que j'aurais voulu inviter dans notre nouveau chez-nous et qui n'y seront pas. Je remonte le fil des douleurs, qui m'ont privé d'un père puis d'un ami, je retrouve avec nostalgie ce temps où les blessures n'étaient pas si graves, puisqu'elles n'avaient tué personne. J'entends la pureté de nos éclats de rires qui ne sont pas encore entachés par le deuil.
Peut-être est-ce cela, grandir: accepter qu'à partir d'un moment, nous ne pourrons plus partager d'instants avec ceux que l'on aime. Vivre avec des blessures qui menacent de s'ouvrir à chaque moment. Exister avec, dans un coin de sa tête, le souvenir de ceux qui sont partis avant nous.
Mercredi 19 octobre 2016 à 20:41
« La vie nous attend et la vie est une chose effrayante et incompréhensible. Il se peut que sa force terrible et impitoyable nous broie en broyant notre bonheur, mais même en mourant je dirai une chose : j’ai vu le bonheur, j’ai vu l’homme, j’ai vécu ! »
Leonid Andreev
Se sentir happée par les évènements. Les oreilles qui bourdonnent, ce monde qui vous encercle, ce coeur qui heurte la poitrine chaque fois plus vite et plus fort.
Rire plus fort que les autres, pleurer jusqu'à plus de larmes, hurler dans le vide; sentir la folie qui vous gagne. La vie.
Marcher dans la nuit, silencieusement, sans s'arrêter. Faire silence. Ecouter l'orage en soi.