Une-Rose-sur-la-Lune

Pensées & réflexions en bataille.

Mercredi 19 octobre 2016 à 20:41

          « La vie nous attend et la vie est une chose effrayante et incompréhensible. Il se peut que sa force terrible et impitoyable nous broie en broyant notre bonheur, mais même en mourant je dirai une chose : j’ai vu le bonheur, j’ai vu l’homme, j’ai vécu ! »
Leonid Andreev
 
http://une-rose-sur-la-lune.cowblog.fr/images/Aladecouvertedubonheur.jpg

          Se sentir happée par les évènements. Les oreilles qui bourdonnent, ce monde qui vous encercle, ce coeur qui heurte la poitrine chaque fois plus vite et plus fort.
Rire plus fort que les autres, pleurer jusqu'à plus de larmes, hurler dans le vide; sentir la folie qui vous gagne. La vie.

Marcher dans la nuit, silencieusement, sans s'arrêter. Faire silence. Ecouter l'orage en soi.

Mardi 5 avril 2016 à 21:34

         La maison où je vis a une longue histoire. C'est en partie pour cela que ma mère a convaincu mon père de l'acheter.

         Nous ne savons rien de ceux qui nous ont précédé ici, si ce n'est les quelques témoignages qu'ils ont laissé derrière eux. D'horribles papiers peints aux couleurs criardes tapissaient les murs des chambres d'enfants qui avaient certainement grandi dans les années 1970. Une armoire si grande qu'il était impossible de la faire sortir de la chambre parentale. Comme elle nous a fascinées, ma soeur et moi! Sans vraiment comprendre notre sentiment, nous nous trouvions face à cet immense meuble, lié pour l'éternité à cette maison, ultime témoin des propriétaires précédents. Un jour, en essayant de dépoussiérer le haut de cette armoire, ma mère a trouvé de vieilles coupures oubliées là. Elles avaient l'odeur du temps passé, celle d'une époque que nous ne comprendrons peut-être jamais totalement, pour ne jamais l'avoir vécue.

         Notre maison est chargée de souvenirs qui nous sont étrangers, mais aussi de ceux que nous avons semés au cours de ces quinze dernières années. Les joies et les éclats de rire, les départs et les cris, les pleurs et la mort. Nous avons laissé notre empreinte ici, et chaque recoin nous est désormais familier. Je me souviens bien du jour où nous sommes arrivés. La maison me semblait grande, et j'avais l'impression de n'être qu'une étrangère. Mais notre famille a rempli les pièces vides, elle a vécu et marqué cet endroit, aujourd'hui, il est plein de nous même si nous n'y sommes plus si nombreux.
Lorsque je vois le salon vide, je retrouve mon père assis sur son fauteuil, à la fin d'une longue journée. Je l'entends parler de tout et de rien, et je me surprends à soupirer parce que son monologue m'empêche d'écouter ma série. Comme ces instants me manquent, maintenant que le silence s'est fait !
Quand je regarde par la fenêtre, mon regard se heurte à ce grand trou dans le jardin. Autrefois, il y avait un arbre dans lequel ma soeur et moi passions l'après-midi; un jour, il a fallu le couper. Même aujourd'hui, son ombre est toujours présente dans cette petite allée, et l'écho de nos rires revient de loin.
Parfois, je monte à ce deuxième étage que nous n'utilisons plus. La chambre de mon frère, celle que nous aurions tous voulu avoir; la plus haute et la plus grande, celle qui assurait le plus d'autonomie. Le bazar qu'il y avait installé n'est plus, même si cette pièce n'a jamais réussi à retrouver un semblant d'ordre.
Enfin, je vois ma mère. Celle qui est restée, qui donne vie à tous ces souvenirs. Celle qui a porté cette demeure comme elle tenait notre famille: luttant chaque jour pour la laisser propre et accueillante, soutenant mon père dans les moments de doute, tentant d'éduquer trois enfants au caractère aussi bien trempé que le sien. Ses colères terribles, son ironie mordante qui lui donne la force de tout supporter. Son parfum qu'elle met tous les matins de la même manière. Après s'être parfumée, elle ne peut s'empêcher de caresser la tête du chien, ce qui laisse une odeur dans son poil. Ses livres traînent partout, tout comme ses tasses de thé.

        Oui, ma mère continue d'emplir cet endroit de vie, envers et contre tout. Mais un jour, les souvenirs pèseront plus lourd sur la balance. La maison sera trop pleine de nous, et ma mère ne pourra plus lutter. Et l'armoire verra venir une nouvelle famille, prête à ajouter sa part de vie.

Vendredi 1er avril 2016 à 20:55

http://une-rose-sur-la-lune.cowblog.fr/images/IMG3116.jpg
Tombée du jour.
 
          Son étendard flamboyant s'abaisse; il ploie devant le soir qui vient. Les couleurs s'atténuent, le monde se fige. Bientôt tout sera sombre. Les traits de toute forme se noieront dans une mer d'obscurité. Qui pourra distinguer l'arbre de la nuit ? Puis le silence viendra, engloutissant à son tour les sons, les dévorant pour devenir toujours plus épais, toujours plus lourd. Au plus noir de la nuit plus rien ne semblera vivre. Et pourtant.Pourtant tout sera encore là, et peut-être la lune viendra-t-elle caresser de sa lumière ce monde endormi. Qui sait si une brise légère ne fera-t-elle pas frémir quelque feuillage assoupi ?

         Car dans le silence de la nuit, tout respire. C'est ce souffle que nous entendons, comme lorsque nous fermons nos yeux et nous concentrons sur notre respiration. Dans l'obscurité, dans l'inanition, le monde s'entend à nouveau. Il prend conscience de lui, il est enfin.

          La nuit rend au monde sa grandeur. C'est pour ça que l'homme a fait la ville: il s'est créé un environnement toujours plus petit, toujours plus éclairé, sans cesse animé. Son monde est "humain", il peut le mesurer et le contrôler. New York, Paris, Tokyo, et tant d'autres qui brillent lorsque le soleil disparaît; comme si elles avaient peur d'arrêter de vivre, peur que le temps ne vienne prendre son dû.
          Dans le silence et l'obscurité, l'homme prend conscience qu'il est petit; ses constructions tomberont parce qu'il ne connaît ni le secret des racines des montagnes ni celui celui qui fait se dresser les arbres. Il retrouve ce lien avec cette Mère terrible et aimante malgré tout. Celle qui l'a créé et l'entoure, qui supporte ses bêtises d'enfant parce qu'il n'a pas encore grandi. C'est le dernier né, qui se croit pourtant plus avancé que les autres. Il n'a pas compris qu'il passerait, comme tout. Il se croit éternel.

 
Et la nuit sourit.
Dans le néant, elle redonne à l'homme le courage de lutter pour maintenir tant bien que mal ce qu'il a établi.
Elle sait que la fin viendra bien assez tôt.


Vendredi 26 février 2016 à 12:36

Cette nuit tu m'as rendu visite; voilà longtemps que nous ne nous étions vus. Biensûr je t'ai souvent senti derrière moi, dans mon dos comme un ange gardien particulièrement attentif. Biensûr je t'ai souvent parlé, mes mots raisonnant dans une pièce vide et pourtant pleine de toi. Biensûr je t'ai parfois retrouvé au gré de mes souvenirs, à travers les mots que j'avais posé sur des cahiers.
Mais cette nuit tout était différent. Nous étions tous deux dans une même dimension; je pouvais te voir et t'entendre me répondre. Nous nous sommes occupé du jardin ensemble, comme autrefois, et tu m'as montré comment faire. Tu as repris ton rôle de guide qui me manquait tant. Pour la première fois depuis cinq ans, je me suis sentie si proche de toi que j'ai été surprise au réveil. Pas triste, non. Car j'ai enfin compris que la mort n'était qu'un voile. Parfois, lorsque la nuit est profonde, nous avons la chance de pouvoir passer au-delà du temps et de l'espace, et nous retrouvons ceux qui nous ont quitté. Une pause dans la tristesse qui ne part jamais vraiment.

Mercredi 9 avril 2014 à 11:50

http://une-rose-sur-la-lune.cowblog.fr/images/Commeunepromesse.jpg
Comme chaque année le monde s'éveille lentement après un long hiver; les gens rient plus forts, ils se gorgent de soleil, ils revivent. Moi je vois la mort qui est venue ce mois de mai et j'avance à reculons. Maintenant que je connais la date je sens chaque jour qui passe et me ramène de force à cette triste échéance. Terrible lorsque je reviens trois ans en arrière, lorsque je vivais sans savoir que le temps nous était compté. 
Les années ont passé. J'ai évolué avec ton souvenir comme compagnon. Figé dans un passé heureux et inconscient que la mort a entaché de tristesse. Ton absence, ton silence, me pèsent plus que tes colères et tes éclats de rires. Les souvenirs qui auraient dû se transformer en baume me rappellent constamment que je n'ai plus qu'eux. Il n'y a plus rien à écrire, le livre est terminé. 
 


<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | Page suivante >>

Créer un podcast