Une-Rose-sur-la-Lune

Pensées & réflexions en bataille.

Jeudi 3 mai 2018 à 14:46

J'ai découvert hier cette vieille chanson de Barbara: 
 
C'est trop tard pour verser des larmes
Maintenant qu'ils ne sont plus là...

          Et vous voilà, tous les deux, incapables de vous parler. Vos sourires se figent et vous tremblez de ne pouvoir vous regarder. Je le sens, ce lien ténu que chaque silence esquinte un peu plus.
Votre fierté vous aveugle, tandis que la vie passe et avec elle les échos des instants que vous auriez pu vivre.
N'avez-vous donc pas retenu la leçon ?

           J'aimerai vous crier ces mots, vous supplier de tendre vos mains. Nous avons été élevés pour rester trois, pour faire face comme un seul corps à tous les coups que nous imposait l'existence.

         Nous étions cinq mais Il est parti en premier, nous laissant désemparés;  notre famille était un navire sans voiles ni rames livré aux vents. N'avez-vous jamais regretté tout ce que vous n'aviez pas dit ? N'avez-vous pas pleuré, ces dernières années, en pensant à toutes ces joies que nous ne vivrons jamais ensemble ?
Aujourd'hui tout recommence. La distance prend forme, son ombre s'agrandit tandis que vos liens se déchirent, érodés par votre incapacité à parler.

           Vous pourriez dire que vous n'avez plus rien en commun, mais c'est faux. Vous m'avez moi, vous les avez Elle et Lui. Votre sang parle pour vous.
Vous pourriez mentir et dire que vous n'êtes plus que des étrangers l'un pour l'autre. Mais je vois dans vos yeux quelle douleur est la vôtre lorsque vous vous observez. Vos souvenirs en commun sont une corde plus puissante que tout. Vos regards se cherchent et se rejettent, l'un reflète les erreurs de l'autre.

 
Vous pourriez choisir de ne plus vous parler et d'enterrer le problème. Mais ce jour-là, vous briserez mon coeur qu'il m'a fallu tant de temps pour recoller.

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Dimanche 31 décembre 2017 à 0:05

Voilà un peu plus d'un an, j'arrivais à Paris. Des espoirs plein la têtes, un tourbillon de changement. Le déménagement en fin de journée, en catastrophe, comme nous avons toujours su le faire.

Tout me semble si loin maintenant. Villemomble, les échos d'une famille où nous étions cinq, cette grande maison pleine de joies et de drames. Ai-je vraiment vécu tout cela ? Un nombre inimaginable de souvenirs se bouscule dans ma tête, tant et si bien qu'ils se mélangent et forment le fil d'un collier dont je ne parviens plus à saisir les détails si précieux.

Voilà un peu plus de six mois, je quittais le dix-neuvième arrondissement pour le onzième. Peu de meubles, peu d'affaires, mais tant d'amour. Tu as déboulé dans ma vie, la rendant encore plus étonnante qu'elle ne l'avait été jusque là. Ensemble, nous avons sauté le pas et transformé cette ancienne chambre d'hôtel en un foyer étroit mais heureux.

Demain, une fois de plus, je partirai. Le dix-huitième m'ouvre ses portes, et tu viendras avec moi parce que nous nous le sommes promis. Je songe avec bonheur à tout ce que nous allons vivre dans cet appartement qui a enfin l'air d'un appartement, dans cet immeuble où nos deux noms figureront sur une boîte aux lettres.

Malgré cette joie, une certaine mélancolie me prend. Je pense à ceux que j'aurais voulu inviter dans notre nouveau chez-nous et qui n'y seront pas. Je remonte le fil des douleurs, qui m'ont privé d'un père puis d'un ami, je retrouve avec nostalgie ce temps où les blessures n'étaient pas si graves, puisqu'elles n'avaient tué personne. J'entends la pureté de nos éclats de rires qui ne sont pas encore entachés par le deuil.
Peut-être est-ce cela, grandir: accepter qu'à partir d'un moment, nous ne pourrons plus partager d'instants avec ceux que l'on aime. Vivre avec des blessures qui menacent de s'ouvrir à chaque moment. Exister avec, dans un coin de sa tête, le souvenir de ceux qui sont partis avant nous.
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Jeudi 14 décembre 2017 à 15:49

J’ai cueilli ce brin de bruyère

L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913


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Jeudi 7 décembre 2017 à 15:51

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" Il y a longtemps que j'ai arrêté de courir..."

          Tu m'as dit ça, il y a peu de temps lorsque j'y pense; tu m'as vu attraper le bus au dernier moment, et  tu as souri. Tu m'as dit que pour toi, c'était fini de courir après tout, après le bus, après les trains. Tu m'as dit que maintenant, les gens pourraient bien attendre. La vie pourrait bien attendre.

         Et tu avais raison, sur un certain point. Oui, les gens peuvent attendre. Mais la vie, elle n'attend pas pour s'en aller. Lorsque vient le temps elle s'en va. Peu importe le fait que tu commences enfin à être heureux, à savourer ce qui rend la vie si précieuse. La vie ne t'a pas attendu M., et maintenant la mort te serre chaque jour un peu plus contre elle.
 
*

          Je te revois le premier jour où je t'ai rencontré; tu parlais comme si il fallait tout dire, tes gestes emplissaient la pièce et ta voix chaude résonnait dans mes oreilles d'apprentie bibliothécaire. J'entendais rien qu'à ton intonation ton cerveau bouillonner, et j'essayais de comprendre tout ce que tu disais pour que tu ne me prennes pas pour une idiote.

         Je me souviens ce jour où les éclats de rire ont fusé, toute l'équipe fêtant l'arrivée de l'été. Je me souviens de la soirée qui a suivi, nous deux enchaînant les bières à la terrasse d'un bar et évoquant cette vie qui fuit, cette vie qu'on aime tant et ce monde qu'on méprise un peu aussi. J'ai senti à quel point tu étais vrai, un putain de vrai rebelle qui avait traversé une époque qui n'était pas la sienne. Un coeur de grand frère, un cerveau hyperactif, un tempérament de feu et un éternel enfant derrière toute ces expériences qui t'avaient marqué, parfois déchiré.

         J'entends encore ton pas dans ces couloirs, lorsque tu sillonnais cette bibliothèque à la vitesse d'un boulet de canon. Ta voix de gouaille, avec ces "r" rauques et déchirants, ceux des titis parisiens que tu aimais tant. Je t'entends invectiver tous ces connards, et rire de ce petit con qui fait le malin. Au fond, tu l'aimes bien ce petit rebelle de tes deux qui te rappelle qu'il y a encore de l'espoir dans ce monde policé et hypocrite. En fait au fond, tu t'énervais vite mais tu l'aimais, ce monde imparfait comme toi, comme moi, comme nous tous.

        Je sens le café qui nous a réunis, toi, L., L. et moi, tant de fois. Vos éclats de rire, ceux aigus de L. qui t'aimait tant, et les tiens, traînants et chaleureux. La fumée, puis la vapeur de vos clopes qui parfumait les couloirs. Ces longs moments où tu parlais de ta compagne, ta belle muse, celle qui t'avait porté jusqu'au bonheur et qui rendait chacune de tes journées si heureuses. Ses tableaux, et vos longues marches à travers la nature que vous aimiez tant.
Nous en avons tant parlé, de cette nature; sauvage, indomptable, surprenante. Tout ce que nous voulions être, finalement. Tout ce que tu as été.
 
*

          Aujourd'hui, le temps nous est compté. Le voile, tout doucement, se pose entre nous. Tu n'es déjà presque plus ici. Ton coeur bat et nous empêche de nous résigner, parce que se résigner c'est mourir, et que nous ne voulons pas que la mort t'embrasse.

           Ils nous disent que ton cerveau s'éteint. L'air, cet air pur que tu aimais tant sentir en marchant avec M., cet air lui a trop manqué et aujourd'hui il vacille comme la lueur d'une bougie presque terminée. Bientôt, nous ne te verrons plus; ton esprit va enfin se voir révéler les secrets de notre univers, et tu vas rejoindre, là-haut, l'armée de ces morts que nous avons tant aimés, ceux qui, sans qu'on les sente, nous soutiennent chaque jour.

         Je mentirais si je te disais que je ne pleure pas. Je sais que tu es un être infiniment libre, et que tu vas retrouver cette liberté de l'autre côté du miroir. Tu nous attendras patiemment, légère brise parmi les arbres, enfin détaché d'un monde trop petit.

          Pourtant, je continue de penser que toi qui m'as tant appris, tu t'en vas. Et tu n'avais pas fini, il y avait encore tant de chose à nous dire. Peut-être aurions-nous dû courir, finalement...
 
Bon voyage, petit con.

Lundi 31 octobre 2016 à 12:50

" Pour ne plus jamais plus, vous parler de la pluie,
Plus jamais du ciel lourd, jamais des matins gris,
Je suis sortie des brumes et je me suis enfuie,
Sous des ciels plus légers, pays de paradis.
Oh, que j'aurais voulu vous ramener ce soir,
Des mers en furie, des musiques barbares,
Des chants heureux, des rires qui résonnent bizarres,
Et vous feraient le bruit d'un heureux tintamarre,
Des coquillages blancs et des cailloux salés,
Qui roulent sous les vagues, mille fois ramenés,
Des rouges éclatants, des soleils éclatés,
Dont le feu brûlerait d'éternels étés...

Mais j'ai tout essayé,
J'ai fait semblant de croire,
Et je reviens de loin,
Et mon soleil est noir,
Mais j'ai tout essayé,
Et vous pouvez me croire,
Je reviens fatiguée,
Et j'ai le désespoir..."
Barbara

          Quand les mots ne parviennent plus à sortir, qu'ils vous dévorent de l'intérieur, il reste ceux des autres. Ceux qui savent dire en beauté, qui apaisent ce silence forcé.

          Et je prie pour qu'un jour les mots ressortent à nouveau, et pour que le soleil froid laisse leur place aux rayons chaleureux du printemps. En attendant, je n'ai qu'à avancer les yeux voilés, et à observer ceux qui vont.
 
Un jour tout ira mieux.


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