Une-Rose-sur-la-Lune

Pensées & réflexions en bataille.

Mardi 29 octobre 2019 à 11:26

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           Il y a peu de temps, j'ai déménagé une nouvelle fois. Ayant dorénavant deux bus à prendre pour aller travailler, je rencontre souvent des problèmes de circulation qui mettent à mal ma patience déjà si fragile. J'ai  donc décidé de marcher tous les matins 50 minutes, plutôt que d'affronter la morne routine des transports publics. Et, chemin faisant, j'ai renoué avec mon vieil amour: la route.

           J'avais oublié à quel point il était agréable de marcher sur de "longues" distances. Nous sommes bien loin des randonnées que me permettait de faire le scoutisme, mais j'ai retrouvé les sensations oubliées du début de marche; le plaisir que l'on éprouve en adoptant, au bout d'une vingtaine de minutes, son "rythme de croisière". L'oeil toujours occupé par un détail incongru de la route: un oiseau qui prend son envol, un ciel de plomb qui laisse filtrer deux faisceaux de lumière; l'échange de regards avec un autre promeneur.
           J'aime aussi les quartiers que je traverse : peu fréquentés par les piétons, ils me donnent l'occasion de laisser libre cours à mon esprit, à ma voix, à mon coeur. J'ai l'impression que la liberté est à nouveau devant moi. J'ai ce sentiment merveilleux que la route est un passage qui peut toujours s'allonger. Ainsi, même en sachant que je rentre chez moi ou que je me rends au travail, l'idée traverse souvent mon esprit qu'il me suffirait de bifurquer au prochain croisement pour commencer un nouveau chemin, une nouvelle aventure. C'est elle, cette liberté qui chatouille mon âme, c'est elle qui me rappelle qu'au coeur de la routine il suffit d'une pensée, d'un geste, pour tout arrêter et changer de paysage.

Car le chemin mène à la route qui mène aux plus lointains horizons qui jamais ne s'arrêtent.
 
          Je savoure aussi la solitude qui m'accompagne. Mon corps n'est plus seulement l'enveloppe qui enveloppe mon être; il est un compagnon, le premier et le plus fidèle de toute ma vie. Je sens chacun de ses efforts, j'éprouve parfois la brûlure de l'ampoule sur mon talon, ou le contact du plat de mon pied avec un sol tantôt de sable, tantôt de béton. J'apprécie le coup de vent froid des matins d'octobre, celui qui glace le sang de mes joues et fait fumer mon souffle. Chaque minute est un moment de paix avec moi-même et avec ce monde qui me donne parfois l'impression de danser en me laissant sur les bords de la piste.

 
En ces instants de route qui s'étirent, j'ai enfin l'impression de ne faire plus qu'un avec moi-même.

Mercredi 22 mai 2019 à 11:17

         Chaque année, à compter du 20 mai, mon coeur se serre durant six jours. Une semaine de passion, sans promesse de résurrection - du moins, pas tout de suite.

          Bientôt neuf ans que tu t'en es allé, et chaque fois la même douleur, cette plaie qui se rouvre et qui brûle mes entrailles : comment as-tu pu partir si vite? 

          Lentement (et pourtant nous n'avons rien vu venir), nous approchons de la décennie. L'année prochaine, dix ans se seront écoulés; avec eux tant de vie, tant d'évènements où tu n'étais pas là. Ton souvenir hante chacun de mes pas, mes rires résonnent tristement dans le vide abyssal que tu as laissé, et mes pleurs coulent au-dessus d'une tombe désormais vide. J'aimerais que le chagrin s'apaise, mais il est devenu un compagnon d'infortune.

 
Entends-tu, depuis ton ciel, la douleur de ta famille ?

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Jeudi 7 mars 2019 à 11:31

          J'ignore pourquoi, mais depuis que je suis jeune, une superstition m'interdit de penser à l'avenir. Est-ce dû à la maladie, à tous ceux que j'ai vus partir trop tôt ? Quelque chose, en moi, s'opposait à tout rêve parce que le futur était trop incertain et le présent trop risqué. Il m'arrivait, biensûr, de penser aux joies à venir, mais aussitôt un nuage menaçant venait se glisser entre le soleil et moi: de faiblesse, je rentrais me mettre à l'abri avant même de sentir la pluie.

          Je ne dis pas que j'ai été malheureuse, non. J'ai saisi chaque fruit de l'arbre de la Vie; j'ai aimé si fort, j'ai savouré le bruit de la mer faisant rouler les galets, et le silence profond des flocons qui obscurcissent une fenêtre dans la nuit. J'ai ri plus fort que la mort, j'ai pleuré pour aller mieux, et j'ai remercié pour toutes les rencontres que j'ai pu faire, comme des planches de salut au milieu d'une mer déchaînée. J'ai embrassé des paysages grandioses, des couchers de soleil saturés de couleurs et des ciels de nuit qui faisaient scintiller les étoiles.

 
Mais chacun de ces instants était un présent du jour-même.

          Et puis je t'ai rencontré. Tu étais un de ces dons de la vie qu'on ne voit pas arriver, et qui bouleverse tout sur son passage. Aux pieds de la Petite Sirène, tu m'as surprise en te mettant à genoux, et tu m'as posé la seule question qui devait, à jamais, ouvrir une porte sur l'avenir.

Ce jour-là, grâce à toi, j'ai renoncé à la peur et j'ai compris que, même sous la pluie, il était possible de danser.
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Lundi 14 janvier 2019 à 13:12

Quel miracle relie les êtres d'une même famille par cette corde qui jamais ne se brise ?

            Il m'est arrivé de vouloir lâcher du lest; laisser flotter dans le lointain ceux-là qui sont en moi et hors de moi, qui vivent leur propre vie sans avoir conscience des échos qu'elle sème dans la mienne.

           La colère nous séparait, aussitôt la fraternité nous réunissait. Parfois, le pardon n'était pas encore là que déjà mon cerveau étouffait loin d'eux.
J'ai essayé de les considérer comme de simples amis; j'ai tenté de ressembler à ces familles qui s'aiment de loin. Je voulais me protéger de la souffrance, de cet amour violent qui nous dévore autant qu'il nous réchauffe. Chaque fois ils sont revenus, et je les ai aimés encore plus fort.
Ce lien qui nous unit - j'ai fini par le comprendre - ne s'éteindra jamais. A trois, nous ne formons qu'un. Chacun va dans sa direction, à l'image des frères d'un conte de fée où les retrouvailles sont la fin de l'histoire - et le début d'une autre.

           Je crois que nous devons ce sens de la fraternité à nos parents. Je me souviens d'une fois où ma mère m'a exprimé sa crainte en quelques mots: "Je préfère vous voir soudés face à nous, vos parents, qu'éclatés entre vous." A l'époque, je n'avais pas saisi la portée de ces mots. Mais la vie, comme bien souvent, s'est chargée de m'en montrer l'impact : la maladie, la mort, les peines, la haine - tout cela nous a frappés. Le lien ne s'est jamais brisé. Et aujourd'hui, bien que mon existence n'en soit qu'à ses balbutiements, je marche avec un talisman invisible et puissant : la certitude qu'ils seront toujours là pour moi, et que jamais je ne les laisserai seuls.

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Alors, cher Papa, chère Maman, merci pour ce cadeau.


Mardi 13 novembre 2018 à 15:18

          Dans un petit mois, cela fera un an que tu as pris la seule route que nous ne pouvions pas emprunter pour te suivre.

          Douze mois pendant lesquels l'écho de ton pas a résonné tant dans les couloirs de cette bibliothèque que dans nos coeurs. La vie a suivi son cours, à la fois semblable et définitivement différente.

          B. est partie pour sa retraite, et nous l'avons remerciée comme elle le méritait pour tout le temps qu'elle nous a donnés. Ce jour-là, nul doute que tu étais entre nous et dans chacune de nos pensées.
           F. a finalement pris ta place. Je crois que tu l'aimerais bien (peut-être puis-je parler au présent ?). Sa présence contribue à rendre ton absence plus supportable, même si il nous est toujours difficile de passer devant ton bureau.

           J'ai gardé le petit carnet sur lequel tu avais pris des notes pour m'enseigner le catalogage. Tu seras certainement heureux d'apprendre que je me suis enfin inscrite à une formation. J'aurais aimé qu'elle me soit donnée par toi mais, comme tu le sais, la vie se fiche complètement de ce que nous souhaitons. Lorsque j'ai le spleen, j'aime l'ouvrir et regarder les boucles noires, énergiques et précises, que tu as laissé sur le papier blanc.

            Que nous as-tu laissé, d'ailleurs ? Des souvenirs, assurément. Quelques objets aussi, qui sont comme l'écho d'une autre vie.
           Mais il y a autre chose. Tu ne le savais peut-être pas, mais tu as aussi semé en nous les germes d'une belle amitié. Souris-tu, depuis ton infini, en voyant comme la douleur nous a rapprochées ?

Merci, M.


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