J'ignore pourquoi, mais depuis que je suis jeune, une superstition m'interdit de penser à l'avenir. Est-ce dû à la maladie, à tous ceux que j'ai vus partir trop tôt ? Quelque chose, en moi, s'opposait à tout rêve parce que le futur était trop incertain et le présent trop risqué. Il m'arrivait, biensûr, de penser aux joies à venir, mais aussitôt un nuage menaçant venait se glisser entre le soleil et moi: de faiblesse, je rentrais me mettre à l'abri avant même de sentir la pluie.

          Je ne dis pas que j'ai été malheureuse, non. J'ai saisi chaque fruit de l'arbre de la Vie; j'ai aimé si fort, j'ai savouré le bruit de la mer faisant rouler les galets, et le silence profond des flocons qui obscurcissent une fenêtre dans la nuit. J'ai ri plus fort que la mort, j'ai pleuré pour aller mieux, et j'ai remercié pour toutes les rencontres que j'ai pu faire, comme des planches de salut au milieu d'une mer déchaînée. J'ai embrassé des paysages grandioses, des couchers de soleil saturés de couleurs et des ciels de nuit qui faisaient scintiller les étoiles.

 
Mais chacun de ces instants était un présent du jour-même.

          Et puis je t'ai rencontré. Tu étais un de ces dons de la vie qu'on ne voit pas arriver, et qui bouleverse tout sur son passage. Aux pieds de la Petite Sirène, tu m'as surprise en te mettant à genoux, et tu m'as posé la seule question qui devait, à jamais, ouvrir une porte sur l'avenir.

Ce jour-là, grâce à toi, j'ai renoncé à la peur et j'ai compris que, même sous la pluie, il était possible de danser.
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