Une heure et demie.
Le silence règne en maître depuis longtemps, il s'est installé avec l'obscurité.
Nuit d'hiver, sans commencement ni fin, sans bruit ni mouvement qui viendrait éveiller les vivants.
Sublime instant entre la vie et le reste.
Nuit d'hiver, sans commencement ni fin, sans bruit ni mouvement qui viendrait éveiller les vivants.
Sublime instant entre la vie et le reste.
Je n'arrive pas à dormir. J'écoute les Gnossiennes de Satie, et j'observe la profondeur du noir par la fenêtre. Quelques réverbères luttent vaillamment un peu plus loin, mais ils ne parviennent à éteindre la nuit. Les branches des arbres se tordent comme les mains d'une vieille dame, et leurs silhouettes inquiétantes ressortent, un peu plus sombres que l'obscurité. Pourtant qu'il est doux ce moment que rien ne vient troubler! Les minutes s'écoulent, lancinantes comme les notes de Satie. Je sens le sommeil s'emparer progressivement de chaque partie de mon corps, mais mon esprit refuse de m'endormir. Je veux profiter de cette nuit d'hiver, paisible, froide et silencieuse. En cet instant rien n'a d'importance; d'ailleurs, qui pourrait prouver que la vie continue? Dehors, pas un souffle, pas un mouvement. Dans les maisons, les hommes se taisent enfin. La nuit est hors de la course du temps. Elle est le rivage qu'attend tout marin exténué par la tempête. Tantôt inquiétant parce qu'inconnu, tantôt havre de paix. Ce soir elle est mon port d'attache, mon instant d'absolu.